L’origine de l’idée de droit (1893)
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Émile Durkheim,
Textes 1.
Éléments d’une théorie
sociale, pp. 233 à 241. Minuit, 1975
On croit encore assez
communément en France qu’il n’y a et ne peut y avoir que deux sortes de
morales, entre lesquelles le moraliste est comme tenu de faire son choix ;
que le seul moyen d’échapper à l’utilitarisme est de recourir à
l’apriorisme des métaphysiciens. Il semble que du moment où l’on pratique
la méthode d’observation, on soit nécessairement condamné à nier la
réalité du devoir et celle du désintéressement, c’est-à-dire à faire de
l’un et de l’autre de pures illusions. Le livre dont nous allons rendre
compte est avant tout une protestation contre ce préjugé ; c’est un
vigoureux effort pour ouvrir à la morale et à la philosophie du droit une voie nouvelle et c’est là ce qui fait la
nouveauté et l’intérêt de l’ouvrage. M. Richard [1], en effet, combat
avec la même vivacité et la doctrine des utilitaires et celle des
métaphysiciens ; l’une et l’autre lui paraissent également incapables
d’expliquer le droit comme le devoir, et pour la
même raison. Car ces deux frères ennemis sont moins éloignés l’un de
l’autre qu’on ne le croit d’ordinaire ; tous deux professent en effet un
individualisme presque identique. L’utilitaire est individualiste
puisqu’il fait de l’intérêt personnel la seule fin de la conduite ; mais
le métaphysicien ne l’est pas moins, puisque sa morale consiste dans une
apothéose de la personnalité individuelle. Peut-être, il est vrai,
pourrait-on reprocher à l’auteur de passer trop légèrement sur de grandes
doctrines métaphysiques, comme l’hégélianisme, qui
ont plutôt péché par excès contraire. Même le kantisme, que M. Richard a
plus spécialement en vue, échappe en partie à l’individualisme parce qu’il
soumet l’individu à une loi que l’individu n’a pas faite, à une règle
objective, à une consigne impérative et impersonnelle. Cependant, il
n’est pas contestable que cet idéal impersonnel n’est autre chose que
l’individu abstrait et idéalisé. Or, suivant Richard, une doctrine
individualiste ne saurait fonder le droit ; car la pratique juridique ne peut se
passer de charité. La dogmatique de
l’égoïsme, qu’il s’agisse de celui des utilitaires ou bien de celui des
métaphysiciens, enlève au devoir tout objet ; car le devoir est avant tout
de se donner, de se sacrifier, de se résigner. Par conséquent, du même
coup, elle ruine le droit qui ne peut être que
la condition logique et même physique du devoir (p. XII). Ce qui a donné
naissance à l’erreur individualiste, c’est qu’empiristes et aprioristes
ont étudié l’idée de droit dans l’abstrait, en
la détachant des conditions qui en ont déterminé la formation et le
développement. On n’a pas vu que c’est le fait de vivre en société
qui a amené les hommes à définir leurs relations juridiques, à fixer « ce
que tous peuvent exiger de chacun et ce que chacun peut attendre de tous
». En un mot, la
philosophie du droit ne peut pas être séparée de
la sociologie. Le problème tel que se le pose notre auteur peut donc être
formulé ainsi : Quelles sont les influences sociales qui ont suscité
l’idée du droit et en fonction desquelles elle a
évolué dans l’histoire. Or, quand on se pose
la question dans ces termes, un premier fait apparaît tout d’abord : c’est
que l’idée de droit n’est pas simple. Elle est
composée d’éléments qui doivent être étudiés chacun à
part. |
Le premier de ces
éléments est l’idée d’arbitrage. En effet, les premières coutumes
codifiées ne sont que des collections de sentences arbitrales ; il est
d’ailleurs aisé de comprendre comment l’institution de l’arbitrage a dû
apparaître très tôt, dès qu’il y a eu des sociétés. Dans chaque conscience
individuelle existent deux états de conscience sourds, susceptibles, à
l’occasion, de se transformer en idées claires. « L’un est la
conception des fins sociales, c’est-à-dire d’une protection mutuelle
contre les causes de destruction » (p. 4), qu’elles viennent de l’homme ou
des choses ; l’autre est le sentiment d’une lutte engagée entre les
appétits individuels des membres mêmes du groupe. Ces deux tendances sont
contraires entre elles. Si donc la première est assez forte, elle
contiendra la seconde et en préviendra les excès. Elle empêchera les
conflits de dégénérer en guerres ouvertes, en poussant les hommes à
soumettre l’objet de leur désaccord à un arbitre ; celui-ci, d’ailleurs,
sera déterminé à intervenir pour la même raison, c’est-à-dire sous la
pression de la douleur dont ses sentiments sympathiques lui sont
l’occasion à la vue du conflit qui a surgi. L’arbitrage est donc une
conséquence immédiate de la sociabilité, et une sociabilité même assez
rudimentaire suffit à le produire. Mais, pour qu’il y ait
droit, il ne suffit pas qu’il y ait arbitrage,
il faut encore que cet arbitrage soit garanti à la victime, c’est-à-dire
qu’elle ait toujours la faculté d’y recourir sans que le coupable puisse
s’y soustraire. Cette garantie est distincte de l’arbitrage, car elle ne
l’accompagne pas toujours dans l’histoire. « Les cours de justice des
sociétés primitives ne donnent pas force exécutoire à leurs jugements ;
même les parties ne sont pas tenues de leur soumettre leurs litiges (p.
25). » Nous sommes donc en présence d’un nouvel élément de l’idée de droit, c’est l’idée de garantie. Mais qu’est-ce
qui a pu déterminer les hommes à organiser cette garantie
? C’est cette question
qui, dit M. Richard, a, jusqu’à présent, fait échouer la philosophie
expérimentale du droit. Ces philosophes, en
effet, ont généralement cru que seul un appareil de coercition extérieure
et d’origine conventionnelle pouvait
produire ce résultat. Ce serait un calcul intéressé qui aurait appris à
l’humanité à préférer le mal de l’obéissance et de la discipline aux maux
plus redoutables d’une guerre universelle et interminable.
Or il n’est pas vrai
que l’homme soit un être utilitaire. « Le calcul n’est pas l’artisan
de l’histoire. » D’ailleurs, l’anarchie n’a jamais été pour l’homme
l’objet d’horreur que suppose Hobbes ; car bien des races n’en sont jamais
sorties. C’est la marche inverse qu’il faut suivre. C’est au-dedans de la
conscience et non au-dehors, c’est dans les dispositions sympathiques et
altruistes et non dans les sentiments intéressés qu’il faut aller chercher
la solution du problème. |
Ce qui fait que la
société oblige le défendeur à se soumettre et garantit la victime, c’est
qu’elle se sent solidaire de cette dernière. La large sympathie
qu’elle éprouve pour chacun de ses membres ne lui permet pas d’assister
impassible au dommage subi par l’un d’eux ; d’ailleurs, elle a conscience
que le mal dont il souffre ne pourrait pas se généraliser sans danger pour
elle-même. Elle épouse donc tout naturellement une cause qui est la
sienne. Pour cela, il n’est pas nécessaire qu’elle soit organisée en État
; il suffit que les individus qui la composent se sentent solidaires dans
la lutte pour l’existence. C’est ce sentiment tout intérieur qui assure la
garantie et non pas, comme l’ont cru les utilitaires, une
contrainte externe et artificielle. L’État, une fois constitué, pourra
rendre plus régulier l’exercice de cette garantie ; mais il ne la crée
pas. Elle a ses racines dans la conscience même des sociétés. Mais l’idée
d’arbitrage et celle de garantie impliquent celle de délit ; car la
garantie est une protection et, par conséquent, suppose une menace ou une
agression. Il suit donc de l’analyse qui
précède que l’idée de délit est un des éléments qui servent à
former l’idée de droit et, par suite, lui est
antérieure. Cette conclusion, au premier abord, déconcerte les idées
reçues. Nous sommes habitués à considérer le délit comme la violation du
droit et, par conséquent, le droit comme antérieur au délit. Mais c’est, suivant M.
Richard, intervertir l’ordre réel des faits. Si, dit-il, on supprime le
délit par la pensée, la charité et la sympathie régneront sans obstacles
et sans mélange ; il n’y aura donc rien à garantir et le droit ne naîtra pas. Pour qu’il soit possible, il faut
qu’il y ait de la sociabilité, mais aussi qu’elle soit troublée d’une
manière partielle et intermittente. Si elle est nulle, c’est l’état de
guerre ; si elle est parfaite, il n’y a pas de
conflits. Seulement, si la
notion du droit dépend de celle du délit, d’où
vient cette dernière et sur quoi repose-t-elle ? L’auteur rejette et
la théorie qui fait du délit une création du législateur et celle qui y
voit simplement un acte particulièrement nuisible. Le délit est une chose
naturelle qui a ses conditions dans la nature même de la société et non
dans la volonté changeante des hommes d’État ; d’autre part, la
délictuosité et la nuisance sont choses distinctes. Un faux, une
banqueroute sont souvent de plus terribles désastres qu’un meurtre et
pourtant n’ont pas la même importance criminologique. Ce qui constitue le
délit, c’est qu’il manifeste une absence de dispositions altruistes. « Le
crime radical, c’est l’égoïsme absolu, c’est la volonté de vivre pour soi
seul, de ne connaître que ses fins propres dans l’univers (p. 68). »
Cette solution, on le
voit, n’est pas fort éloignée de celle qu’a proposée Garofalo ; elle
s’en distingue cependant. Par dispositions altruistes, Richard entend non
seulement la probité et la justice, mais la piété filiale, le sentiment
national, la pudeur, le sentiment de l’honneur, etc. Sa définition est
donc plus large que celle du criminologiste italien et rend mieux compte
des faits. D’autre part, elle permet de rattacher le délit aux conditions
fondamentales de la vie sociale ; car, pour que l’égoïsme soit haï, il
n’est pas nécessaire que le législateur intervienne, il suffit qu’il y ait
une société cohérente et consciente de son unité. Si, chez les peuples
inférieurs, la conception du délit est plus obscure que chez les peuples
civilisés, c’est que l’altruisme y est plus imparfait ; mais elle n’y a
pas une autre nature et ne dépend pas d’autres
causes. |
On voit ainsi se
former peu à peu l’idée de droit. Le point de
départ c’est l’intervention de la société dans le règlement des
conflits ; de là l’arbitrage et la garantie. La définition du délit
nous a montré quelle règle la société suit dans la solution des
conflits ; elle combat l’égoïsme, elle refoule l’insociabilité. Mais
par quels moyens ? Il est nécessaire de
répondre à cette question pour que la notion du droit soit complètement
déterminée. En fait, la société se
sert de deux procédés pour arriver à sa fin. Elle oblige le coupable à
réparer le dommage qu’il a causé ; de plus, au moins dans certains cas,
elle le frappe d’une peine. L’idée de peine et
celle de réparation semblent, au premier abord, très distinctes ; mais
l’auteur les ramène à l’unité ; il n’y voit que deux formes
différentes de l’idée de dette. La répression pénale et la
réparation civile lui semblent, en effet, être toutes deux dérivées de
l’usage de la composition qui serait le fait primitif. Or la
composition est la compensation du tort causé par le crime ; c’est
une dette contractée par le criminel, par le seul fait de son délit. Quand
l’usage de la composition disparaît, elle est remplacée par l’obligation
pour le coupable de réparer le mal qu’il a fait. Même les obligations qui
naissent du contrat découleraient de la même source. Dans un passage
intéressant, l’auteur montre que le droit
contractuel, bien loin d’avoir été le fait primordial de la vie juridique,
comme le disent certains théoriciens, est, au contraire, un simple
prolongement du droit criminel. Nous croyons
incontestable, en effet, que ce dernier a été comme le germe
d’où est sorti le droit tout entier. Quant à sa
peine, elle est, elle aussi, une dette, mais dans un autre sens. Elle
correspond à la dette de sécurité que la société a envers ses
membres. D’une part, le crime
suscite contre le criminel un ressentiment de toute la communauté et,
par suite, un besoin de vengeance. Or la vengeance collective n’est pas
moins contraire que la vengeance privée à l’idée de garantie ; c’est
une perturbation de l’ordre. La société est donc obligée de garantir le
criminel lui-même contre sa propre colère. Mais, d’autre part, elle n’est
pas moins obligée de se protéger elle-même contre les agressions. De là
résulte la peine. On voit les rapports qu’elle soutient avec la
composition : l’une est le substitut de la vengeance privée ;
l’autre, de la vengeance publique. Tels sont les quatre éléments qui
associés, fondus ensemble, forment la notion du droit. Cette notion apparaît
au vulgaire comme parfaitement simple et indivisible. On voit que, en
réalité, elle est extrêmement complexe. Cette illusion vient de ce que les
parties dont elle est formée se sont agglutinées, que certaines même ont
disparu du champ de la conscience ; tout un chapitre, le huitième, est
consacré à décrire le processus psychologique d’où résulte cette
simplification. Mais si complexe que soit cette idée, elle a pourtant une
unité en ce sens que tous les éléments qu’elle comprend sont empreints du
même caractère, dérivent de la même source, à savoir de l’idée de la
solidarité sociale. C’est elle qui fait que les parties soumettent leurs
conflits à un arbitre et que la société épouse la cause de la victime ; le
crime n’est autre chose qu’un attentat contre la solidarité, et c’est pour
la protéger contre les vengeances individuelles et collectives que la
peine et la réparation civile ont été instituées. Elle est donc vraiment
l’âme du droit. |
Telle est la
conclusion de cet ouvrage. (…) Toute la discussion
qu’il institue pour établir l’antériorité de la notion du délit sur
celle du droit nous paraît un peu subtile. Dans
la réalité historique, le droit et les
violations du droit constituent deux ordres de
faits concomitants et contemporains et, par conséquent, il n’est pas
possible de dire que, chronologiquement, l’un a devancé l’autre. Il ne
peut donc être question que d’une antériorité logique ; or celle-ci
est d’une bien petite importance pour le sociologue. Ce qui importe à la
sociologie, c’est de savoir quels sont les rapports qui existent
réellement entre les choses, et non ceux suivant lesquels les concepts
doivent être logiquement rangés. Le raisonnement en lui-même est-il
d’ailleurs très rigoureux ? Supposons qu’il n’y ait pas de
délits ; c’est la charité pure qui règne. Soit ! mais il y a, même alors,
une charité obligatoire que définissent des règles impératives de
conduite, auxquelles sont attachées des sanctions plus ou moins
déterminées. Ces règles sont donc juridiques ; le fait qu’il n’y est pas
dérogé n’implique pas qu’elles n’existent pas. Cette prépondérance du
point de vue dialectique affecte d’ailleurs la conception générale de
l’ouvrage. Ce que l’auteur cherche en effet comme en témoigne déjà
le titre c’est la genèse non du droit,
mais de l’idée du droit. Il semble
donc bien considérer le droit non comme un
ensemble de choses, de réalités données et dont il faut chercher les lois
d’après la méthode des sciences naturelles, mais plutôt comme un
système de concepts liés logiquement entre eux et placés sous la
dépendance d’un concept suprême qui les contient éminemment. En fait, tel
est bien le caractère de la solution proposée. Nous avons vu, en
effet, comment l’idée de dette était impliquée dans celle de délit,
celle-ci dans l’idée de garantie, enfin, l’idée de garantie et d’arbitrage
dans l’idée de solidarité. Sans doute, M. Richard
n’admet pas qu’aucune de ces notions, ni par conséquent celle qui les
enveloppe, nous soit donnée toute faite. Elle se construit
progressivement. Mais de quelque manière qu’elle se forme, une fois
qu’elle existe, ce serait elle qui, en se développant, aurait engendré le
droit. Le droit n’en
serait que la réalisation dans les différentes conditions de l’expérience.
Mais rien ne nous autorise à croire qu’il se soit réalisé de cette
manière. Pour qu’on pût
postuler l’existence d’une idée du droit, il faudrait que le droit existât, or ce qui existe dans la réalité,
ce sont les droits, c’est-à-dire la multitude indéterminée des règles
juridiques. Chacune d’elles dépend de causes particulières et répond à des
fins spéciales. Bien loin qu’une même idée ait présidé à leur élaboration,
elles sont nées le plus souvent de causes fortuites et d’une manière tout
à fait inconsciente. L’activité collective s’est figée d’elle-même sous
les formes diverses qu’elles déterminent, sans que les hommes eussent eu
conscience des nécessités sociales auxquelles elles
répondaient. |
Sans doute, en un
sens, chaque peuple a, à chaque époque, une certaine idée du droit, comme il s’en fait une sur le monde et sur
l’humanité. Sans doute aussi cette idée a une origine, mais qui n’a rien de bien obscur. Elle vient,
en effet, du spectacle même des règles juridiques qui fonctionnent sous
nos yeux ; elle résulte du droit, bien loin d’y
avoir préexisté. Elle reflète vaguement la vie juridique elle-même, elle
ne la crée pas ; c’est ainsi que notre idée du monde n’est qu’un reflet du
monde où nous vivons. Elle n’exprime
donc pas l’essence des choses qu’elle représente. Il est permis, il est
vrai, de rechercher cette essence. Il y a, du moins on peut le croire,
entre toutes les espèces de règles juridiques, des caractères communs et,
par conséquent, essentiels. Mais il n’y a qu’une science du droit déjà avancée qui puisse nous en donner la
notion. Ce n’est donc pas cette notion qui a pu être le germe d’où le
droit est sorti. Mais si l’on
débarrasse la doctrine de cet appareil logique, il s’en dégage une idée
fort intéressante et qui, pensons-nous, doit être retenue. Il est d’usage
de distinguer la justice, c’est-à-dire le droit
de la charité. La première serait la base élémentaire de la morale dont la
seconde serait comme le couronnement. M. Richard montre au contraire que
ces théories renversent l’ordre des faits et que la charité est le
fondement du droit. Peut-être, il est vrai, la
raison qu’il en donne n’est-elle pas complètement probante. La charité,
dit-il, est l’âme du droit, parce que le droit est né de ce que nous nous sentons solidaires
contre la guerre. Mais nous ne nous sentons ainsi solidaires que contre la
guerre injuste, contre l’attaque qui lèse les droits reconnus, Cette
solidarité suppose donc qu’il existe déjà une justice, que la nature du
droit a été préalablement déterminée. Cette
détermination se ferait-elle donc indépendamment de tout sentiment de
solidarité, et celle-ci n’interviendrait-elle que pour assurer la défense
des droits, une fois établis ? Alors l’ancienne théorie serait vraie en
grande partie et rendrait compte du fait le plus essentiel. Mais il n’en
est rien. Les droits de chacun n’ont été définis que grâce à des
concessions et à des sacrifices mutuels ; car ce qui est ainsi accordé aux
uns est nécessairement abandonné par les autres. Le droit que je reconnais à autrui de garder les fruits
de son travail implique que je renonce à la faculté de m’en saisir. Le
droit résulte donc d’une limitation mutuelle de
nos pouvoirs naturels, limitation qui ne peut se faire que dans un esprit
d’entente et d’harmonie. |