Méthode de lecture pour un texte d’idées A Comment
extraire l’idée ? Puisqu’il s’agit d’idées,
la 1ère tâche revient à les extraire pour les étudier :
1° en elles-mêmes et 2° en
rapport aux autres. 1 — en elles-mêmes On cherche leurs conditions. Les idées sont toujours des
expressions précises, et
non des impressions de lecture, ce qui “passe par la tête”. Par conséquent
on recherche les phrases-clés et, dans ces phrases, les mots qui portent. Notions, idées, concepts
sont d’abord des mots. a. Les mots La pensée ne peut s’exercer
que dans le(s) mot(s). Il
n’y a que des mots et dans une première lecture il s’agit de vérifier
si tous les mots sont clairs. Sinon :
constituer des fiches de vocabulaire où l’on note : 1° Le sens étymologique,
dit “premier”, est une indication précieuse 2° Le sens général, qui
s’est cristallisé dans l’histoire de la pensée 3° Le sens dans le contexte précis où il apparaît et
le seul qui importe. Ce dernier sens est précisément
le concept élaboré, ou seulement utilisé,
par l’auteur. Il s’appuie toujours sur quelques catégories fondamentales Quand il s’agit
d’un concept élaboré par
l’auteur, les fiches doivent faire apparaître chaque fois QUI, OÙ & QUAND, cad. l’auteur, le titre du livre et sa date de parution. Noter aussi les
mouvements d’idée. Exemple : Idée –> idéalisme. Matière –> matérialisme. Sceptique –> septicisme, etc. b. L’idée “principale” La compréhension d’un
texte est fonction de la compréhension de son idée directrice.
On peut l’extraire en deux temps : •1er temps : on doit
se demander : « A
quelle question précise répond le texte ? » L’auteur
s’est donné un but
: un problème à résoudre. Il faut donc remonter à son
énoncé précis. Le projet de l’auteur en effet ne figure pas toujours
explicitement dans le texte. Il est nécessaire de le reformuler. C’est
pourquoi, il faut : •2ème temps : écrire précisément cette question
à côté du texte, sur une
feuille séparée et le plus
clairement possible. •Enfin, dans un troisième
temps, il faut vérifier
si la question exprimée recouvre bien la totalité du
texte. On compare alors chaque §, chaque phrase avec cette question
et c’est ainsi que l’on peut vraiment déterminer une progression dans l’idée. En
effet, on peut rapporter chaque moment du texte à un repère précis et
ainsi mesurer les mouvements de la pensée, c’est-à-dire
comment l’idée se détermine
et se développe. 2 — en rapport aux autres
idées Il s’agit de dégager les
articulations. La première tâche est
de repérer tous les termes logiques. (Il convient de réviser dans une
grammaire tout l’éventail de ces termes.) C’est alors que l’on peut
tracer les grandes divisions du texte.
Tracer : au crayon, partager les ensembles de phrases et de §§
qui poursuivent la même recherche, la même idée. a. L’analyse logique Il convient de suivre
exactement les divisions marquées par l’auteur. Chaque phrase, chaque
§, peuvent être traités séparément. •Repérer les coordinations
& subordinations. •Repérer les articulations
de phrase (dans un §) et les articulations de § (cad. après chaque alinéa) Cela permet de préciser
le niveau de l’articulation. D’où : savoir distinguer : – l’articulation d’une idée en elle-même
(dans une phrase/§) – l’articulation des idées entre elles (de
phrase/§ à phrase/§) Pour cela, on voit immédiatement
qu’il est nécessaire d’avoir pu : – dégager/formuler la question directrice
que l’auteur s’est posée. – dégager/formuler le mouvement complet,
cad la progression logique du texte vis-à-vis de cette question directrice
(cf. 1.b) Préciser chaque fois le niveau d’articulation signifie qu’il
faut l’écrire précisément et en marquer la place. Le “plan” commence
à se dessiner, mais il faut encore le remplir. Vient alors ensuite : b. L’analyse “thématique” Le “thème” n’est pas une
entité hors texte (par "` avec l’étude littéraire) mais une
thématisation de l’idée. L’idée se réalise dans un contexte ; elle s’inscrit
dans un jeu d’examen/discussion qui la rapporte à quelque chose : ce avec quoi elle fait
système et qu’elle justifie ou discute. Il est donc nécessaire
de séparer l’idée de son exemple. L’exemple est celui que prend l’auteur
pour l’examiner / discuter / présenter. Il ne peut faire autrement que
réaliser l’idée à travers du concret, cad. sur un fond d’exemples, métaphores,
images ou discussions (référence implicite ou explicite à d’autres auteurs).
Ceci est à relever. On se demande alors : •L’idée vient-elle avant ? L’exemple est alors illustratif
et extérieur. •L’idée vient-elle après ? l’exemple ou est-elle modifiée après le traitement d’un
exemple ? L’exemple est alors un moteur de l’idée. Il est intérieur et
l’auteur découvre cette idée : il élabore un nouveau concept ou une nouvelle démarche. Descartes et le morceau de cire représente
le prototype de cet exercice
de l’idée à l’intérieur d’un exemple. Le nouveau concept élaboré est celui de
substance (Médit. 2, §§ 11,12,13).
C’est-à-dire qu’avant de discuter sur ce que c’est qu’étendue ou bien pensée (en quoi il s’agit pour les deux
de substance) il est sage
de commencer par examiner de près la
constitution de ce concept dans le texte lui-même. C’est dans le texte lui-même,
et nulle part ailleurs, que nous trouverons à l’œuvre une thématisation de l’idée. L’idée n’est
pas extérieure à son énoncé
positif. => Il faut éviter l’énoncé
général, extérieur et abstrait
à propos des textes et préférer l’éclaircissement : se référer,
même dans la dissertation, à des contextes précis (cad des œuvres) où la pensée se réalise
concrètement. Nota sur l’exercice du commentaire :
Dans la mesure où il s’agit
d’un extrait exemplaire de la pensée d’un auteur, la première
tâche est de restituer l’idée
complète : on remonte de
la partie au tout. Expliquer revient à compléter le fragment proposé en
prenant appui sur ce qui est dit pour remonter à ce qui ne l’est pas mais qui est impliqué
: c’est « ajouter » tout ce qui est nécessaire à la compréhension.
Il est donc essentiel de clarifier les définitions.) C’est ensuite qu’il est
possible de discuter l’idée
car on en voit mieux les implications et les limites. A toute objection
que l’on peut faire, il faut rechercher si le texte ne propose pas une
réponse, et à quel niveau. B Comment
discuter l’idée ? Certains points méritent
d’être éclaircis concernant la rigueur
de l’étude. Tout d’abord, s’attacher
à bien déterminer l’idée directrice. Après l’avoir formulée,
il est nécessaire de l’approfondir et la questionner. Est-ce que rien n’est
présupposé avant elle ?
N’y a-t-il pas quelque chose qu’il est nécessaire de poser avant cette idée ? L’orientation ne dépend-elle pas d’une série
de jugements/solutions que l’on a d’abord admis ? Il s’agit donc de faire ressortir l’ensemble de ces jugements/solutions
qui précèdent toujours la mise en place d’une idée (c’est là : "éclaircir
l’idée"). Le niveau de l’étude sera
fonction de l’élévation des questions et de leur clarification. Si l’on
en reste sur des positions de “vérités admises” (opinions) ou si l’on
part seulement des “idées du texte”, on reste en surface. Pour faire
ressortir les positions de base et les discuter,
il n’y a pas d’autre voie que : 1. Remonter aux présupposés
de l’idée directrice. Il s’agit de formuler
précisément l’“a priori” de départ. A priori signifie seulement ce qui vient
d’abord et rend le reste possible (c’est la position de ce qu’on appelle
“principes”). On peut remonter à ces
conditions qui précèdent l’écriture d’un texte si l’on fait l’analyse des éléments de l’idée directrice.
On peut, dans un premier temps : a. procéder par série
de questions, pour pouvoir évaluer la thèse de l’auteur. D’abord, s’agit-il d’un réel principe objectif ou bien d’une
maxime qui est seulement
utilisée pour permettre un meilleur examen du problème ? La distinction
n’est pas toujours évidente. L’un va jusqu’à l’objet, l’autre est une simple
procédure suivie pour atteindre
avec profit cet objet. S’agit-il d’une simple hypothèse de départ,
auquel cas il faudra se demander si elle va de soi ou si l’auteur n’est
pas aveuglé par une évidence qu’il n’interroge pas. L’hypothèse est-elle tenue pour une
hypothèse et posée comme telle ou bien est-elle tenue pour une
vérité ? Ensuite, il faut suivre les conséquences
& les implications de ce principe, maxime ou hypothèse de départ.
Où cela va-t-il conduire ? Cela favorise-t-il vraiment l’approche
de l’objet ou bien est-ce que cela nous limite prématurément ? Exemple de Descartes, Méditation
I, § 1, où il pose son idée directrice : trouver un sol ferme
dans les sciences. Toute
la réflexion est orientée sur une telle recherche. Or, une totale consistance,
pleine et définitive, est-elle accessible ? Quelle est donc la
fonction d’un tel idéal,
s’il ne peut pas être réalisé ? Il faut s’interroger, car ce départ
conditionne toute la suite. N’y aura-t-il pas de l’illusion à considérer
le cogito comme suffisant ? Est-ce qu’il
n’y aura pas une sorte d’excès à se servir de lui comme d’un modèle mathématique pour toute proposition ?
Inversement, est-ce que cela ne limitera pas sa portée d’en faire une
sorte d’axiome ? Dans
les deux cas Descartes n’aura pas vraiment mesurer la portée de son
concept. Suivre sa lettre risque d’entraîner des illusions subjective et objective. Dans un 2ème temps, il convient de
centrer la discussion et ainsi de : b. formuler un problème Le problème formulé dépendra toujours
: 1° de ce premier
examen de l’idée directrice en
elle-même 2° de la discussion
des présupposés et des solutions de l’auteur. 3° du point de vue
critique où on décide soi-même de l’aborder. Descartes : Le projet
d’un sol définitif ne risque-t-il pas d’altérer la réelle fonction d’une
proposition fondamentale, justement dans les sciences ? Dans
les sciences on n’observe pas de vérité parfaite, définitive mais seulement
une approche infinie, sans cesse réitérée. Par conséquent, les axiomes
et les principes de base ne jouent aucunement cette fonction d’une ultime
assurance. D’un autre côté, en ce qui concerne la philosophie première, c’est-à-dire
la science qui doit ouvrir et permettre toutes les autres sciences,
le cogito ne va-t-il pas induire cette erreur
d’un ego qui se croit le
seul et réel sujet de sa pensée ? La science en effet
est une affaire collective ; elle dépasse l’ego et la conscience, puisqu’elle appelle
l’examen critique et la collectivité des chercheurs. Dans ses Réponses aux objections,
Descartes n’est-il pas amené lui-même à dialoguer avec ses contradicteurs,
et ainsi à clarifier sa position ? 2. Examiner la pertinence/la
portée des exemples La discussion d’un problème
doit toujours inclure une étude précise des exemples pris par l’auteur pour étayer
son idée ou sa thèse. Il s’agit de déterminer la valeur
a posteriori de l’ensemble des arguments /exemples. (A posteriori = après la lecture, examiner si les moyens
sont appropriés au projet, s’il en est d’autres à l’appui, ou au contraire
pour les contredire). =>
S’efforcer de bien évaluer la fonction
de chaque exemple. Descartes. Est-ce que l’exemple
de la cire est suffisant pour détruire l’habitude de croire en ce que nous voyons
être là devant ? Il y a davantage à noter : est-ce que "l’évidence"
en elle-même ne serait pas une telle habitude de croire qui s’est
enracinée ? Il faut alors l’analyser précisément. Mais n’est-elle
pas aussi le seul critère
que nous reconnaissions pleinement ? Pour chaque exemple pris,
pour chaque image, figure, métaphore, il faut s’interroger sur ce qu’elle
apporte de clartés mais aussi sur ce qu’elle laisse dans l’ombre. En
effet, il n’y aura qu’un aspect révélé. Celui sur lequel on insiste.
D’autres resteront masqués, laissés en arrière-plan. Lire attentivement,
c’est remarquer ce qui n’a pas été perçu, noté, pensé, et il s’agit
de voir comment l’idée aussi se détermine par tout ce
qui reste voilé, non-dit. Ceci reste un idéal de
l’explication|commentaire. Le conseil est de suivre les grandes lignes
de cette méthode pour le plan. En conclusion, il
s’agit d’examiner le parcours
complet qui amène le résultat. Le texte formule-t-il une sorte de
conclusion ou reste-t-il en suspens (cf. dialogues aporétiques de Platon) ? Là aussi
il faut s’interroger : le problème a-t-il été résolu ou reste-t-il
des obstacles, des difficultés qui seront autant d’étapes à prévoir ? Il faut préciser
autant que possible ce qui a pu être résolu et ce qui n’a pas pu l’être.
D’où : Éviter la conclusion-type et préférer revenir au problème initial, cela :
moins à travers "une" solution que la nouvelle formulation du problème que l’on
apporte. |